17 avril 2024

PRIÈRE AVANT L’ÉTUDE

 

Harmonie entre charité et vie intellectuelle

Une célèbre prière de saint Thomas d’Aquin s’intitule « Prière avant l’étude » ; elle s’adresse à Dieu, source de la lumière et de la sagesse. Toute étude, toute recherche du vrai, et même tout travail fait en vue du bien commun, est un moyen de se rapprocher de Dieu. Il n’y a pas d’un côté le travail, de l’autre la vie chrétienne. Le travail s’imbrique dans la vie chrétienne. Saint Thomas a été un exemple éminent de cette harmonie entre charité et vie intellectuelle, de sorte qu’il est devenu le saint patron des étudiants. 

Fr Guislain-Marie Grange, dominicain, philosophe et théologien.

14 avril 2024

LE BON PASTEUR



Une présence qui demeure

Aujourd’hui, avec une histoire, Il nous dit « je suis le bon pasteur ». Par un geste simple, par un récit du quotidien, Jésus révèle la vérité de son être. « La vérité n’est pas une idée mais une présence ». Je me laisse rejoindre par cette présence simple de Jésus qui veut se révéler à moi au cœur de ce qui fait mon quotidien. Je l’accueille. 

Chacun, chacune compte pour lui. Son désir est qu’aucun ne se perde.  Le Seigneur se fait du souci pour ma vie. Je médite sur ce mystère d’amour et je réfléchis en moi-même sur la manière dont je prends soin de la vie : la mienne, celle des autres… 

Les autres ? Ce berger regarde plus loin : il y a d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos. D’elles aussi il a souci. Chemin faisant, il saura les appeler, les inviter à le rejoindre. J’imagine la scène, ce que cela provoque en chacun – berger et brebis.

« Tous mes chemins te sont familiers » dit le psalmiste (Ps 138). Cette connaissance familière nous parle de proximité, d’attention, de durée. Une présence qui demeure. Je peux faire mémoire de ces présences qui ont accompagné mon chemin dans ses moments de joie et de peine.Comment m’ont-elles parlé de la présence du Seigneur qui nous dit : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».


prier en chemin,  AELF

11 avril 2024

MOBILITÉ ET STABILITÉ




Rester avec soi-même est plus que jamais une tâche spirituelle centrale.

Pour retrouver cette expérience, nous pouvons par moments rester consciemment chez nous et nous tenir tout simplement dans notre chambre, sans nous laisser distraire. « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre », disait Blaise Pascal. Nous pourrions parler aujourd’hui du danger d’une acédie numérique. Notre esprit glisse sur nos écrans d’une information à une autre. Nous ne sommes plus présents à nous-même. Le simple fait de se supporter soi-même, de rester avec soi-même, de se retrouver en son centre et de s’ouvrir ainsi à Dieu, est plus que jamais une tâche spirituelle centrale.

Daniel Hell, un psychiatre suisse spécialiste des dépressions, estime que l’une des nombreuses raisons de l’augmentation des cas de dépression est l’absence de racines. L’homme actuel est constamment en déplacement. La mobilité toujours plus grande l’empêche de s’enraciner. Nous pouvons nous créer des racines dans un lieu ou en célébrant des rituels que nos ancêtres ont pratiqués. Lorsque nous prenons conscience, par exemple en récitant le Notre Père, que nos parents et nos grands-parents ont prié ces mots et ont ordonné leur vie autour d’eux, ceux-ci acquièrent une signification plus profonde, car ces paroles anciennes sont enrichies par l’expérience de foi de nos ancêtres. Nous participons alors à leur force de foi et à leur force de vie.

Ces deux pôles font partie de notre vie spirituelle. Pencher trop vers l’un des deux peut mettre notre vie spirituelle en danger. Être constamment en mouvement peut devenir une fuite de nous-même, mais trop de stabilité peut aussi nous enfermer dans un confort paresseux. Notre vie a besoin de changement, sinon nous nous figeons, et de stabilité, sinon nous nous dispersons. Même lorsque nous nous enracinons, nous nous transformons. Comme un arbre qui a de bonnes racines continue à grandir, nous continuons à grandir vers le Christ. Ainsi notre vie chrétienne doit maintenir cette tension pour rester en chemin vers le Christ et nous laisser transformer par l’Esprit en la forme unique que Dieu a prévue pour chacun de nous.

Anselm Grün, théologien bénédictin 

prier, juillet 2023

8 avril 2024

UN SEUL MOT: « OUI »



 La foi s'engage à avancer là où on ne sait pas aller

Première disciple, Marie montre aussi ce qu'est la foi. La foi ne consiste pas d'abord en mots. Ou alors, en fait de mots, il s'agit d'un seul mot. La foi est un "oui", celui qui résonne dans le "que tout m'advienne selon ta parole". La foi est un "oui" à la vie reçue de Dieu, envers et contre tout, en dépit de tout ce qui pourrait nous inciter à dire "non". La foi s'engage à avancer là où on ne sait pas aller, là où cela semble impossible de passer. Là où il semble évident qu'on ne pourra pas y arriver tout seul, sans qu'une route s'ouvre devant nous, sans qu'un sol porte nos pas, sans qu'un Esprit de force nous soutienne et nous oriente.

Une jeune fille qui ne connaît pas d'homme ne peut pas enfanter. Il est impossible à une vieille femme de mettre au monde. Cela m'est impossible de continuer à vivre dans cette situation qui me parait bloquée, d'y trouver une issue. C'est pour moi impossible de vivre cet échec, cette situation de solitude, ces épreuves du deuil, de la santé, de l'âge. C'est impossible encore qu'il me faille mourir un jour et vivre aujourd'hui en marchant vers la mort. Alors, avec ta grâce et par la prière de Marie, oui, Seigneur, j'y vais. Oui, je viens vers toi !

Extrait de Marche dans la Bible (2016)
Frère Pascal Marin, dominicain 

7 avril 2024

SUR LES CHEMINS DE LA VIE





Les pas de Dieu dans le cœur de l’homme


Et reprendre la route, celle de la Parole de Dieu qui cheminait à travers des siècles d’humanité jusqu’à leurs âmes [celles des pèlerins d’Emmaus], les cœurs soudain embrasés par cette vive flamme. Ils croyaient s’éloigner après avoir tout perdu, et c’est Dieu qui s’approchait d’eux, se préparant à leur rendre toute joie par son Verbe. Mais il se fait tard. Une table. Du pain. Un vif éclat de lumière, pour leur révéler le brasier qui en eux grondait tout le jour. 

Alors, portés par ce feu, la route de nuit est vite avalée : ils la connaissent désormais ! C’est celle des pas de Dieu dans le cœur de l’homme : à chaque battement il frappe à la porte, il se dit à nous, avec les mots que tant de générations ont entendus, parole de Dieu dans les mots des hommes. Écoute la route qui t’appelle ! Fais tienne aujourd’hui la prière des routiers scouts, qui commence ainsi : « Seigneur Jésus, qui vous offrez à nous comme la Route vivante tout irradiée par la lumière d’en haut, daignez vous joindre à nous sur le chemin de la Vie, comme vous le fîtes jadis pour les Routiers d’Emmaüs... »


Extrait de Marche dans la Bible (2017)


5 avril 2024

APPRIVOISER LE TEMPS

 


Le présent véritable transcende l’instant

Le passé a été et l’avenir n’est pas encore. Seul le présent existe, mais quel est-il ? Le présent, en tant que succession d’instants toujours divisibles, n’est jamais présent, il se dérobe toujours. C’est pourquoi le présent véritable transcende l’instant, il l’englobe dans une réalité supérieure. Quand je suis avec quelqu’un, cette présence qui nous fait oublier le temps forme un tout – presque un tiers entre nous. Elle se trouve, sous sa forme la plus parfaite, dans le cœur-à-cœur avec Dieu, la « porte de notre chambre » refermée. D’où l’importance, si cela nous est possible, de ne pas mettre à la dernière place ces temps de prière silencieuse, comme nous en avons tous la tentation.

*

Ne pas se couper de la Source est vital. Il faut réagir par de petits actes : prières brèves dans n’importe quelle circonstance, lecture méditée de l’Évangile du jour dans mon lit avant de m’endormir, temps de recueillement dans une église au cours d’une de mes pérégrinations dans Paris. Quand un besoin plus fort se fait sentir, je m’inscris à une retraite ignacienne pour y voir plus clair et, le cas échéant, prendre des décisions.

Jean-Marc Bastière, journaliste 

prier, septembre 2023

2 avril 2024

FAIRE BRILLER LE VISAGE DE DIEU



Le pressentiment qu’une autre vérité existe derrière tout le tissu du monde

Dans ma manière de travailler au quotidien, j’ai le choix entre deux attitudes : soit je mets en avant mon ambition, j’agis sous la pression qui naît de mon désir d’impressionner, et c’est alors mon ego qui occupe le devant de la scène ; soit par mon humilité, ma bienveillance, mon honnêteté et mon application, je laisse transparaître la lumière divine. Agir selon la vérité implique de laisser la lumière de Dieu éclairer tout ce qui est en moi, y compris ma part d’ombre. Je vis alors empli de la confiance que Dieu regarde tout en moi et m’accepte avec tout ce qui est en moi. Mes actes révèlent qui je suis vraiment. Ne faire que tourner autour de mon ego m’agite inutilement, laisse libre cours à mon agressivité ou à mon insatisfaction. Si je m’ouvre à la foi, j’entre dans une autre réalité et cette réalité devient manifeste. L’amour imprègne mes actes, mes pensées, mes paroles. Le voile qui recouvre la réalité de Dieu est soulevé.

Nous, chrétiens, portons donc la grande responsabilité de faire briller le visage de Dieu afin que les hommes le reconnaissent et puissent l’admirer et se laisser regarder par Lui. C’est une tâche essentielle dans un monde sécularisé. Il ne s’agit pas de persuader les gens de croire, de leur faire des sermons, mais de faire en sorte qu’ils puissent faire l’expérience de Dieu à travers nos actes, nos pensées et nos paroles. Un pressentiment s’éveille alors chez eux. Ils pressentent qu’une autre vérité existe derrière tout le tissu du monde, une vérité qui nous anime et nous porte : la vérité de Dieu amour.

Anselm Grün, prêtre bénédictin 

prier, avril 2024

31 mars 2024

IL EST VIVANT, ALLELUIA !

 



Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !


Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Psaume 117 (extrait)

29 mars 2024

INNOCENTS ILS NE DISENT RIEN

 

„Chemin de croix“ 

par François-Xavier de Boissoudy


Jésus est condamné à mort et ne dit rien.

« Il s’est abandonné
à celui qui le jugeait injustement. »  
Que pouvait-il faire d’autre,
face au pouvoir, face aux jurés, face aux juges ?
Innocent ou coupable
que pouvait-il faire d’autre ?
Tombe la sentence.
« Non ! » crie l’innocent.
« Non ! » crie le coupable, pareillement.
Certains, parfois, ne disent rien,
comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir, 
comme Jésus qu’on vient de condamner,
comme le juif qu’on pousse vers la chambre à gaz, 
comme Maximilien Kolbe au seuil du bunker.
Ils ne disent rien… 
comme la femme adultère
que les anciens vont lapider.
Tombe la sentence
et l’innocent ne dit rien.
Je veux joindre au sien mon silence,
minuscule goutte d’eau dans la coupe d’alliance.
 

Par sœur Marie-Pierre Faure

Magnificat

27 mars 2024

UN DIEU ABSENT

 



Pourquoi nous a-t-il abandonnés ?

En attendant la résurrection, où est Dieu ? Comment trouver la joie de croire en un Dieu qui se cache et qui se tait ? Pourquoi nous a-t-il abandonnés ?
Eh bien, précisément parce que nous attendons de Dieu qu’il nous parle, comme les Hébreux devant leur veau d’or ou les Romains devant une statue de Jupiter. Il est temps de changer notre regard. Dieu n’est pas une idole qu’il suffit d’invoquer pour qu’il nous console et nous protège. Dieu est venu, il nous a parlé, puis il s’en est retourné. Mais alors, que pouvons-nous faire d’un Dieu absent ? 

Frère Benoît Delhaye, dominicain

carêmedanslaville.org

*****

Si quelque chose te paraît difficile, souviens-toi que nous ne sommes pas appelés à réussir, mais à être fidèles.

Sainte Teresa de Calcutta


24 mars 2024

DIEU DE MA JOIE


Jacques Gauthier, théologien canadien
„Prière de toutes les saisons“


19 mars 2024

DIRE DU BIEN





Nous en sommes capables… Le sommes-nous réellement ?

Notre Dieu a une haute estime de sa création. Il pense et dit du bien de nous : « Ils respecteront mon fils »(Mt 21,37), car ils en sont capables. Le sommes-nous réellement ? Pas si sûr. Et pourtant, c’est cette réelle estime de Dieu pour nous qui est le socle de tout. Me savoir aimée et me croire estimée de Dieu m’a permis de me respecter. C’est tout un long apprentissage, bien concret et à reprendre régulièrement.

Il m’arrive de rencontrer des personnes qui peinent à trouver leur place. Elles ne se croient pas dignes d’estime, de respect, d’amour. J’aime leur dire que leur créateur pose sur elles un regard émerveillé, les respecte infiniment et qu’il compte sur elles pour construire le Royaume. Ces paroles peuvent parfois ouvrir un horizon et permettre à certaines de commencer un chemin de respect de soi pour offrir le meilleur. 

Vivre sous le regard et la présence bienfaisante et bien-disante de Dieu aide à tout traverser et surtout à développer tous les talents qui sont en nous de façon magnifique. À nous aussi, il nous revient d’entendre la juste estime que notre Dieu nous offre, d’y croire, d’en vivre pour porter de beaux fruits. En retour, nous deviendrons capables de dire du bien de Dieu et des autres. Accueillant ainsi les paroles des autres, nous édifierons une œuvre commune et nous serons dans la joie de construire… du durable !

Soeur Marie-Alice, dominicaine

carêmedanslaville.org

15 mars 2024

RÉCONFORTE TON COEUR



La tristesse ne sert à rien 

En visitant les détenus dans différentes prisons de France, j’ai pu observer qu’il pouvait y avoir en eux une joie vraie, une paix retrouvée malgré les difficultés vécues en détention, ainsi qu’une profonde tristesse qui ne les abandonne pas même lorsqu’ils semblent gais et ne cessent de plaisanter. Chacune de nos actions, chacune de nos décisions, tout ce pour quoi nous vivons est porté par le désir d’être heureux, d’être dans la joie. Dieu et son royaume sont ancrés dans la joie.

Divertis-toi, réconforte ton cœur, et chasse loin de toi la tristesse ; car la tristesse en a perdu beaucoup, elle ne sert à rien. La vraie joie est un remède à la tristesse, pas seulement la tristesse qui se voit sur le visage, mais la tristesse du cœur et de l’existence.

Pendant ce temps de carême, je prie Dieu pour qu’il me donne la véritable joie qui pourra illuminer mon cœur et ma vie. Je pourrais le faire tout simplement en disant cette prière que le Christ nous laisse dans l’Évangile (Matthieu 6, 7-15). La prière du Notre Père.

Notre Père qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.  Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. Amen

Frère Albert Bazyk, dominicain 

Carême dans la ville

9 mars 2024

LÀ OÙ LE SEIGNEUR NOUS ATTEND



Le silence et le désir de vivre de Lui

Les pèlerinages et les grands rassemblements, comme les temps de retraite et les événements festifs, sont autant de « temps forts ». Ils ont leur rôle à jouer dans la vie des chrétiens aujourd’hui, mais l’essentiel n’est pas là. On ne peut pas tous les jours battre des mains, partir à l’aventure, vivre dans l’effervescence.
D’innombrables chrétiens, au cours de l’histoire, ont vécu toute leur vie à l’ombre d’un seul clocher, dans une seule paroisse, parfois riche, souvent pauvre, jamais parfaite.
C’est là que le Seigneur nous attend. S’il nous a fait signe en une occasion privilégiée, singulière, festive, à Vézelay ou à Lourdes, à Lérins ou au mont Saint-Michel, c’est pour que nous le retrouvions dans la grisaille de l’ordinaire, dans le bus ou la voiture, dans une salle d’attente… ou tout simplement à la maison, chez soi, dans cette chambre qui est mienne et qui peut devenir, si j’y suis attentif, terre d’un pèlerinage quotidien vers les horizons de la terre et les rives lointaines… Deux choses sont ici nécessaires, je crois : le silence et le désir de vivre de Dieu.

Frère Lionel Gentric,dominicain 

carêmedanslaville.org

7 mars 2024

DU DISCERNEMENT

 



Il faut apprendre à dire  je et à l’affirmer

Le cléricalisme dénoncé constamment par le pape François est une tentation, non seulement pour les abuseurs, mais aussi pour chacun : il est tellement facile de se laisser convaincre d’abandonner son discernement, de renoncer à choisir soi-même, de se confier à un autre pour ses choix essentiels. Il est tellement rassurant de suivre quelqu’un qui sait ce qui est bien pour vous, quelqu’un qui vous dit ce qu’il faut faire, qui sait ce qui est la « volonté de Dieu » ! Il est tellement difficile de dire « non ! », « arrière, Satan ! ».

Le petit enfant commence par dire « non » et c’est ainsi progressivement qu’il apprend à dire « je ». La vie n’est pas de rester dans une matrice tiède où baignent des clones indifférenciés. L’uniformité est le contraire de l’unité. L’appel à l’humilité peut être suspect. Les dominants ont intérêt à voir les autres régresser. 

Il faut apprendre à dire « je », et à l’affirmer, que cela plaise ou non. Je suis, et je serai. « Moi, je suis, ego eimi ! » C’est ainsi que Jésus se présente au groupe de soldats qui viennent l’arrêter. C’est ainsi que Dieu révèle son nom à Moïse dans le buisson ardent. Puisque tu es fils ou fille de Dieu, tu es appelé à dire toi aussi « je ». La tentation serait d’y renoncer. « Je suis », « je veux » est la condition pour dire, comme saint Pierre à la résurrection, « je t’aime ».

Soeur Marie Monet, dominicaine

Carême dans la ville

4 mars 2024

SE RÉCONCILIER

 

Sans se cacher du mal commis et de son influence sur nous, regarder son prochain en face.

Réconcilier veut dire : le regarder en face, voir son visage.

Qui n'a pas ressenti une colère profonde contre son frère ? Qui n'a jamais laissé échapper un mot d'insulte ou un jugement hâtif contre son prochain ? Comment réagissons-nous au mal qui nous est fait ? Comment regardons-nous les torts qui nous sont reprochés ? Sommes-nous capables de distinguer les situations blessantes que d'autres nous ont fait subir et la colère ou la haine que nous avons choisies par la suite ? Devant la colère, légitime ou exacerbée, Jésus dit : « Va d'abord te réconcilier avec ton frère. » Réconcilier veut dire : le regarder en face, voir son visage. Ce n'est pas simple de pardonner, ce n'est pas simple de lâcher sa colère. Mais lorsque nous parvenons, avec la force et la grâce du Christ, à regarder le visage de celui qui nous a fait du mal, on voit deux choses : tout d'abord qu'il est un être comme nous. Il a commis un mal que nous aurions pu aussi commettre dans d'autres circonstances. Et nous voyons aussi qu'il est faible, que le mal qu'il a choisi le détruit. Sans fausse innocence, sans se cacher du mal commis et de son influence sur nous, je peux regarder mon prochain en face.

Sarah Cleary, consacrée de Regnum Christi

hozana.org

27 février 2024

LE ROYAUME DES CIEUX

 



Je n‘ai rien à donner

 « Vous voilà, mon Dieu. Vous me cherchiez ? Que me voulez-vous ? Je n’ai rien à vous donner. Depuis notre dernière rencontre, je n’ai rien mis de côté pour vous. Rien… pas une bonne action. J’étais trop lasse. Rien… Pas une bonne parole. J’étais trop triste. Rien que le dégoût de vivre, l’ennui, la stérilité. 

– Donne !, me répondez-vous Seigneur (…) – La torpeur de l’âme, le remords de ma mollesse et la mollesse plus forte que le remords – Donne ! (…) – Le besoin d’être heureuse, la tendresse qui brise, la douleur d’être moi sans recours. – Donne !

– Des troubles, des épouvantes, des doutes…

– Donne ! – Seigneur ! Voilà que, comme un chiffonnier, vous allez ramassant des déchets, des immondices. Qu’en voulez-vous faire, Seigneur ? – Le Royaume des Cieux. »

Notes intimes, de Marie Noël (Stock, 1998)


24 février 2024

VEILLER…



… pour retrouver cette joie que Dieu dépose dans notre cœur.

Dans mon ministère, j’ai l’occasion d’écouter de nombreuses personnes en difficulté. Comme il est facile de se couper des sources de la joie par des choix malheureux et des décisions irréfléchies; la paresse et la léthargie ; une confiance excessive dans nos propres sentiments et émotions ; la négligence des besoins de notre corps et de notre âme ; le refus de me pardonner et de pardonner aux autres ; l’incapacité ou le refus de prendre en compte notre dimension spirituelle ; la non-maîtrise des pensées qui surgissent en nous ; le manque de discipline, etc. Bref, tout ce que l’Église appelle le péché, péché qui nous éloigne du bonheur promis par les Béatitudes.

L’Évangile ne cesse de nous rappeler que Dieu veut notre bonheur et qu’il est là pour nous montrer le chemin. Ce Dieu à qui nous nous adressons, cette source de notre véritable joie, ne peut pas nous tromper, puisqu’il est la Vérité.
Nous purifier pour retrouver cette joie que Dieu dépose dans notre cœur. « Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. »

kAlbert Bazyk, dominicain 

carêmedanslaville.org


18 février 2024

LA PRIÈRE




La prière est la lumière de l'âme.

Le bien suprême, c'est la prière, l'entretien familier avec Dieu. Elle est communication avec Dieu et union avec lui. La prière n'est donc pas l'effet d'une attitude extérieure, mais elle vient du cœur. Elle ne se limite pas à des heures ou à des moments déterminés.
En effet, il ne convient pas seulement que la pensée se porte rapidement vers Dieu lorsqu'elle s'applique à la prière ; il faut aussi, même lorsqu'elle est absorbée par d'autres occupations, y mêler le désir et le souvenir de Dieu.
La prière est la lumière de l'âme, la vraie connaissance de Dieu, la médiatrice entre Dieu et les hommes. Par elle, l'âme s'élève vers le ciel et se présente comme une puissante ambassadrice, elle réjouit, elle apaise l'âme.
Lorsque je parle de prière, ne t'imagine pas qu'il s'agisse de paroles. Elle est un élan vers Dieu, un amour indicible qui ne vient pas des hommes, mais l'Esprit lui-même intervient pour nous.
Lorsque tu la pratiques dans sa pureté originelle, orne ta maison de douceur et d'humilité, illumine-la par la justice ; orne-la de bonnes actions comme d'un revêtement précieux ; décore ta maison, au lieu de pierres de taille et de mosaïques, par la foi et la patience. Au-dessus de tout cela, place la prière au sommet de l'édifice pour porter ta maison à son achèvement. Ainsi tu te prépareras pour le Seigneur comme une demeure parfaite. Tu pourras l'y accueillir comme dans un palais royal et resplendissant, toi qui, par la grâce, le possède déjà dans le temple de ton âme. 

Homélie du IVe siècle , AELF.org


14 février 2024

UNE DIMENSION DE GRATUITÉ

 



S’arrêter et prendre rendez-vous avec une dimension de gratuité ouverte à la joie d’être, sans rien faire ni consommer. 

Oppressés par l’envie de posséder plus ou d’être autre, nous sommes souvent oublieux de ce qui est déjà là. Cette obsession, déclinée sur tous les tons de l’illusion du manque (« Je suis moins que… », « Si au moins j’avais… »), occulte tout ce qui nous est offert chaque jour, que ce soit la santé, le toit ou la parole, l’habileté… Pour sortir de cette situation sans issue, nous pouvons décider d’entrer dans ce que nous sommes appelés à être de toute éternité et pour l’éternité. Il nous faut prendre conscience que, aux yeux de Dieu, nous sommes aimés et aimables sans aucun mérite ! Il s’agit de fermer la porte aux voix mensongères qui nous jugent, nous méprisent et nous diminuent. On devient moins sujet à la tristesse, à la frustration et à l’insatisfaction. Le quatrième commandement ordonne d’observer le sabbat, en d’autres termes de s’arrêter et de prendre rendez-vous avec une dimension de gratuité ouverte à la joie d’être, sans rien faire ni consommer. Cet appel à marquer un temps vide permet d’entrer en résonance avec soi, sans objectif, sans projet, sans efficacité. Cela revient à sentir le murmure d’un souffle qui ne vient pas de nous, mais nous habite au plus profond. Il s’agit de recevoir ses qualités de la main de Dieu avec gratitude, docilité et parfois courage, au lieu de les refuser en désirant autre chose. Se savoir aimé de l’amour de Dieu, c’est apprendre à se connaître en vérité. Et ainsi déployer toutes ses potentialités. Nous sommes des êtres uniques, spécifiques et irremplaçables. « Nous naissons comme des originaux, mais trop de personnes meurent comme des photocopies », disait le bienheureux Carlo Acutis. Dans chaque être repose un trésor qui ne se trouve en aucun autre. « Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime » (Isaïe 43, 4). Cet amour est donné en entier à chacun. Personne n’en est privé. Ce que reçoit l’un ne manque pas à l’autre. Chacun est aimé, attendu, appelé, nourri, fortifié, connu par son nom, dans ses besoins, dans son histoire. Cet amour donné gratuitement ne dépend pas de la réussite. Se laisser aimer ainsi rend inutile le besoin de prendre ce qu’a ou ce qu’est l’autre. S’enraciner dans l’être que Dieu donne est le fondement de la liberté et de la créativité.

 Catherine Aubin, dominicaine 

dans Mourir d’envie ou vivre d’amour ? (Artège)

Cet article est extrait du magazine Prier,

9 février 2024

PAROLE DE FLIC

 Pour être bienveillant, il faut porter sur soi un regard bienveillant


Mon père spirituel me rappelait de « travailler mon humain ». C’est un chantier permanent, le flic de 51 ans n’est plus celui de 28 ans. Je suis pétri de défauts, d’angoisses. Malgré tout ce que j’ai reçu, la violence de la rue et de l’institution m’ont fait vaciller dans ma foi. Pour être bienveillant, il faut porter sur soi un regard bienveillant. On oublie souvent la seconde partie du commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Je suis tenace par amour. Les membres des associations des familles des victimes sont des gens que j’ai appris à aimer. Et quand on aime quelqu’un, on veut le tirer des ténèbres à la lumière. Je vais sur les tombes des victimes. La quête de la vérité ne peut se faire qu’au nom de l’amour. La source de l’amour, c’est Dieu. J’ai beau avoir un ministère de tutelle, mon grand patron, c’est Lui. C’est en son nom que je me suis mis au service des hommes. Je prie tous les jours, et plusieurs fois par jour. Je suis assez cash. Il sait ce que j’ai à lui dire, mais le dire, c’est mieux. Lors d’une opération importante, je laisse le Christ et sa mère passer devant moi. Avec les prières d’abandon : « Ma grâce te suffit », « Ma force trouvera sa puissance dans ta faiblesse. » Et plus je me crois fort, plus je me plante. Dans une interview, j’ai entendu un commissaire dire au sujet de malfaiteurs qu’ils avaient « la malhonnêteté dans leurs gènes ». Cela ne me convient pas. Pour moi, chaque humain naît avec la capacité de faire le bien… ou le mal. Pour moi, nous sommes tous marqués par le divin. À mon sens, l’histoire d’une victime est aussi sacrée que celle de son meurtrier. C’est une conviction que je traîne avec moi, car c’est le fondement de ma vocation de policier. Mais si je dis qu’il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants, il n’y a plus qu’à tirer dans le tas. La parabole du fils prodigue donne du sens à mon métier. Même ceux qui commettent l’irréparable ont le droit de se racheter. On a une dernière chance jusqu’au bout. 

Raphaël Nedilko, policier interviewé dans La Vie